Initialement prĂ©vue pour fin novembre, la construction de la nouvelle barriĂšre de protection entre la Serbie et la Hongrie sera achevĂ©e dĂšs le 1er septembre. Câest en grande partie le maire dâĂsotthalom (commune du sud de la Hongrie sur laquelle sâĂ©tend cette bordure protectrice) qui a permis son Ă©dification.
LĂĄszlĂł Toroczkai, jeune partisan dâune Grande Hongrie, promet quâavec cette clĂŽture de quatre mĂštres de hauteur, les vagues de migrants venus principalement de Syrie (mais aussi dâIrak, de Libye, dâAfghanistan ou de Somalie) seront contenues dans leur marche vers lâEurope occidentale.
Câest le maire de la commune qui a personnellement persuadĂ© Budapest que ce haut grillage Ă©tait lâunique solution pour endiguer la dĂ©ferlante de rĂ©fugiĂ©s, qui prennent dâassaut la porte dâentrĂ©e de lâUnion europĂ©enne et de lâespace Schengen. Des efforts de lobbying Ă nuancer, car mĂȘme sâil nâest officiellement affiliĂ© Ă aucun parti, Toroczkai est fortement soutenu par le Jobbik.
A lâheure actuelle, il existe de nombreux murs et clĂŽtures dans le monde : le long des frontiĂšres bulgares, grecques, turques, israĂ©liennes et Ă©tasuniennes. Selon le maire, « ceux qui se sentent menacĂ©s ont le droit de se protĂ©ger. LâEurope devrait ĂȘtre reconnaissante quâun Etat membre finance enfin lâĂ©dification dâun mur de 175 kilomĂštres pour protĂ©ger ses frontiĂšres.[1]»
Du cĂŽtĂ© serbe, le ministre des Affaires EtrangĂšres Ivica DaÄiÄ a maintes fois rĂ©pĂ©tĂ© que son pays nâavait pas lâintention de construire un mur similaire dans le sud du territoire national[2]. En effet, la Serbie est Ă©galement confrontĂ©e Ă une vague de rĂ©fugiĂ©s, puisquâelle constitue tout comme la MacĂ©doine, une zone de transit vers lâUnion europĂ©enne. La province de VoĂŻvodine reprĂ©sente un tremplin vers la Hongrie. Mais le sera-t-elle Ă lâachĂšvement du mur ? La construction est dĂ©jĂ terminĂ©e sur cette portion de frontiĂšre pour stopper le flux de rĂ©fugiĂ©s entre Subotica et les deux communes hongroises dâĂsotthalom et MĂłrahalom. Et il existe dâores et dĂ©jĂ , des brĂšches oĂč de nombreux rĂ©fugiĂ©s sâengouffrent. Par ailleurs, le Premier ministre Viktor OrbĂĄn annonce lâenvoi de quelques 2000 policiers en renfort, voire mĂȘme lâintervention de lâarmĂ©e.
Cette nouvelle configuration gĂ©ographique, accompagnĂ©e de la psychose dâun Ă©ventuel voyage en mer, a provoquĂ© un Ă©moi de la part des rĂ©fugiĂ©s qui se sont prĂ©cipitĂ©s dans la fuite de leur pays. DâoĂč lâintensification de cette vague estivale, puisque câest bien la derniĂšre opportunitĂ© pour eux de trouver le salut en Europe occidentale. DĂšs lors, il sera bien plus dĂ©licat de passer la frontiĂšre.
Contourner l’obstacle ?
Mais peut-ĂȘtre pas impossible. La route par laquelle les rĂ©fugiĂ©s passent de Serbie en Hongrie est trĂšs proche de la frontiĂšre croate, crĂ©ant un triangle de frontiĂšres. Au lieu de se diriger vers Subotica, au nord, la vague de rĂ©fugiĂ©s pourrait se diriger vers le nord-ouest, en passant par la ville de Sombor. Cette ville de VoĂŻvodine nâest quâĂ une dizaine de kilomĂštres de la frontiĂšre croate. Cependant, le Danube se dresse Ă prĂ©sent comme un obstacle exceptionnel, faisant office de frontiĂšre naturelle, beaucoup plus dissuasif quâune simple clĂŽture. Ils devront alors probablement se diriger vers le poste frontiĂšre le plus proche, dotĂ© dâun pont, celui de Batina dans la rĂ©gion du Baranja. Mais, la Croatie, membre de lâUnion europĂ©enne, ne jouit pas des accords de Schengen (tout comme la Roumanie et la Bulgarie). QuâĂ cela ne tienne : la frontiĂšre hongroise nâest quâĂ cinq kilomĂštres au nord, au point de passage dâUdvar â DuboĆĄevica.
Quid de lâaccueil des rĂ©fugiĂ©s qui attendent de passer la frontiĂšre ? Subotica est une grande ville de plus de 100 000 habitants, avec une capacitĂ© dâaccueil minimale. Dans lâoptique dâun contournement du mur, Sombor pourrait ĂȘtre la prochaine Ă©tape des rĂ©fugiĂ©s. Mais, le village croate de Batina risque dâĂȘtre vite dĂ©bordĂ© par une vague si importante. Rappelons quâĂ lâheure actuelle, ce sont plus de 3 000 personnes par jour qui entrent en Serbie par le poste frontiĂšre de PreĆĄevo, en direction de la frontiĂšre hongroise au nord[3].
La rĂ©serve naturelle de Gornje Podunavlje pourrait faire office de zone tampon comme lâĂ©tait la forĂȘt de Calais en France. Dans un registre plus inĂ©dit, la terra nullius de 7kmÂČ du Liberland pourrait Ă©ventuellement offrir un accueil en vue du passage de la frontiĂšre hongroise.
Mais alors, comment la Hongrie rĂ©agirait-elle Ă cette nouvelle situation ? Il est difficile dâimaginer quâun nouveau mur puisse se dresser entre la Croatie et la Hongrie, situation structurellement contradictoire entre deux pays membres dâune union douaniĂšre. A lâĂ©vidence, la Croatie nâest pas prĂȘte pour accueillir un tel nombre de rĂ©fugiĂ©s en transit.
Mais pourquoi la « route des Balkans » est-elle privilĂ©giĂ©e par les rĂ©fugiĂ©s ? Selon RadoĆĄ ÄuroviÄ, Directeur de lâAsylum Protection Center de Belgrade, « câest lâitinĂ©raire le moins cher, le plus sĂ»r et le plus facile pour eux, avec le moins de frontiĂšres Ă traverser »[4]. En effet, selon un communiquĂ© de lâUNHCR de Serbie, plus de 90% des rĂ©fugiĂ©s le prĂ©fĂšrent, alors que 9% choisissent lâitinĂ©raire Turquie-Bulgarie-Roumanie-Serbie-Hongrie[5]. Rajoutons quâil est trĂšs difficile de traverser le massif du Grand Balkan, Ă lâinverse de lâaxe naturel de la vallĂ©e de Vardar-Morava, qui est un prolongement de la plaine pannonienne jusquâen ARYM[6].
LâAllemagne comme objectif
Pour la grande majoritĂ© dâentre eux, ce pays est la ligne dâarrivĂ©e de leur terrible parcours. En 2013, lâAllemagne enregistrait prĂšs de 700 000 demandes dâasile (692 713)[7]. Son ministre de lâIntĂ©rieur, Thomas de MaiziĂšre, en prĂ©voit encore 800 000 cette annĂ©e[8]. Câest dâailleurs grĂące Ă ce solde migratoire positif que lâAllemagne compense son accroissement naturel nĂ©gatif depuis prĂšs de 40 ans[9].
Ce jeudi 27 aoĂ»t, se tient un sommet dâurgence entre lâUnion europĂ©enne et les Etats balkaniques[10]. LâAllemagne se veut rĂ©active sur cette crise migratoire, car on lâa vue, elle fait figure de terre dâaccueil privilĂ©giĂ©e pour les rĂ©fugiĂ©s : 2,5 millions dâeuros viennent dâĂȘtre dĂ©bloquĂ©s par Berlin et Bruxelles. Mais une fois encore, on ne peut que constater le manque de cohĂ©sion europĂ©enne et ses prises de dĂ©cisions dans lâurgence, et Ă ce jeu, câest Viktor OrbĂĄn qui en profite en comblant son Ă©lectorat dâaudace populiste.
Cette crise migratoire sans prĂ©cĂ©dent creusera-t-elle un peu plus le fossĂ© qui sĂ©pare les Balkans du reste de lâUnion europĂ©enne ? Une solution commune est-elle envisageable, face Ă la montĂ©e des politiques nationalistes des pays touchĂ©s par lâafflux de rĂ©fugiĂ©s ?
[1] 24sata.rs: http://www.24sata.rs/zabranjen-mu-ulaz-u-srbiju-zid-izmedu-madarske-i-srbije-je-ideja-ovog-coveka/13647
[2] B92: http://www.b92.net/info/vesti/index.php?yyyy=2015&mm=08&dd=18&nav_category=11&nav_id=1028630
[3] RTCG: http://www.rtcg.me/vijesti/region/101546/jos-3-hiljade-migranata-stiglo-u-presevo.html
[4] ASYLUM PROTECTION CENTER: http://www.apc-cza.org/en/
[5] UNHCR Serbia: http://www.unhcr.rs/dokumenti/saopstenja-za-medije/unhcr-upozorava-na-sve-vecu-krizu-grckoj-na-zapadnom-balkanu-usled-sve-veceg-broja-izbeglica-koje-beze-od-rata.html
[6] ARYM = Ancienne République Yougoslave de Macédoine
[7] EUROSTAT, Statistique Européenne: http://ec.europa.eu/eurostat/tgm/graph.do?tab=graph&plugin=1&language=fr&pcode=tps00176&toolbox=type
[8] LâEXPRESS, http://www.lexpress.fr/actualite/monde/europe/l-allemagne-attend-jusqu-a-800-000-demandeurs-d-asile-pour-2015_1708004.html
[9] DESTATIS: Statistiches Bundesamt, https://www.destatis.de/DE/ZahlenFakten/Indikatoren/LangeReihen/Bevoelkerung/lrbev04.html
[10] RFI: http://www.rfi.fr/europe/20150827-migrants-vienne-pays-balkans-veulent-trouver-solutions
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